La
colonisation française
En 1500, Diogo Dias, navigateur portugais
en route vers les Indes, fut le premier Européen à approcher les côtes
de Madagascar. Au cours du XVIIe siècle,
les Européens qui avaient ouvert en Inde des comptoirs à épices tentèrent
de s'établir sur les côtes malgaches. Quelques comptoirs portugais
furent fondés sur le littoral nord-ouest, concurrençant le commerce
arabe. Les Français s'installèrent à la pointe méridionale de l'île
en 1642 où ils créèrent le port de Fort-Dauphin. Louis XIV,
afin de prendre de vitesse les Anglais, proclama la souveraineté française
sur le territoire malgache, baptisé île Dauphine. La résistance armée
des populations locales contraignit cependant les Français à évacuer
Fort-Dauphin pour l'île Bourbon (actuelle Réunion)
en 1674. Au XVIIIe siècle,
alors que pirates anglais et français utilisaient l'île comme base pour
leurs expéditions dans l'océan Indien, une nouvelle tentative de
colonisation fut menée. Quelques comptoirs commerciaux s'implantèrent
sur la côte est. Mais depuis le XVIIe siècle,
les communautés s'étaient structurées en entités politiques. Sur le
plateau central, les Merinas avaient formé un royaume puissant!;
sur la côte ouest, les Sakalav, qui avaient acquis la maîtrise de la métallurgie
du fer, avaient entrepris d'unifier sous leur domination les communautés
d'éleveurs de zébus. La puissance sakalava fut cependant minée par les
querelles de succession et buta sur l'opposition des Merinas des Hautes
Terres, auxquels les Sakalav durent finalement se soumettre. Seule
subsista une principauté qui allait résister par la suite à la
colonisation française. L'unificateur du royaume merina, et de
Madagascar, fut Andrianampoinimerina (1745-1810). Il soumit les Betsileo
et les Sihanaka des Hautes Terres et organisa son royaume en fokolona,
unités sociopolitiques constituées à partir des structures
traditionnelles. Son fils et successeur, Radama Ier,
céda aux sollicitations des Britanniques, installés sur l'île
Maurice et inquiets de voir la France
prendre pied sur Madagascar. Des officiers britanniques entraînèrent les
troupes merinas!;
les missionnaires britanniques fondèrent des écoles et introduisirent le
protestantisme. Doté d'armes modernes et forts de l'appui anglais, Radama
poursuivit l'unification entreprise par son père. À sa mort, une forte réaction
contre la culture européenne commença à naître!;
elle serait désormais une constante dans la politique du pays.
Son épouse Ranavalona Ire
lui succéda en 1828. Elle mit fin à la politique de réformes menées
par Radama Ier,
les missionnaires furent persécutés et les traités avec le Royaume-Uni
dénoncés. Les Français en profitèrent pour revenir dans l'île :
le palais de la reine, le Rova de Manjakamiadana, à Antananarivo, fut bâti
à l'initiative du négociant Jean Laborde. La rivalité
franco-britannique gagna en intensité en 1856, date du retour des
Britanniques sur l'île. Les Français, accusés de complot contre la
reine, furent expulsés — ainsi
que les autres étrangers. Leur absence fut brève!;
Radama II,
monté sur le trône en 1862, fut assassiné l'année suivante pour avoir
encouragé leur implantation. Le pouvoir échut alors au Premier ministre
Rainilarivony qui épousa les trois reines successives du pays :
Rasoherina, Ranavalona II
et Ranavalona III.
Il réorganisa le pays mais ne put résister à la pression de la France
qui s'était fait attribuer Madagascar au congrès de Berlin en 1885. Elle
avait donné en contrepartie toute liberté sur Zanzibar à la
Grande-Bretagne. L'unité du pays fut achevée contre la France. Pourtant,
en 1895, une expédition militaire française lancée contre Antananarivo
vint à bout de la résistance de la reine Ranavalona III,
qui se soumit avant de s'exiler deux ans plus tard à la Réunion puis à
Alger. La monarchie et la féodalité furent abolies, l'esclavage
interdit. Un système de corvées s'y substitua, qui fut à son tour
supprimé en 1901 pour être remplacé par l'impôt.
En 1896, Madagascar était intégrée à l'empire
colonial français. La résistance
anticoloniale se poursuivit, conduite par une société secrète, la Vy,
Vato, Sakelika (fer, pierre, ramification), qui fut démantelée en 1916
mais demeura une référence dans la conscience nationale. Les Hautes
Terres, favorisées par la douceur du climat, devinrent une colonie de
peuplement tandis que Diégo-Suarez, dans le Nord, devint la plus
importante base navale française de la région, protégeant la route de
l'Indochine.
En mai 1942, deux ans après la débâcle
française face à l'armée allemande, les Britanniques, craignant que le
Japon ne s'emparât de Madagascar — alors
aux mains du gouvernement
de Vichy —
envoya dans l'île un corps expéditionnaire. En 1943, ils remirent le
contrôle de l'île au gouvernement de la France
libre.
Vers l'indépendance
La période d'après-guerre fut marquée
par la reprise de l'agitation nationaliste. En 1946, Madagascar obtint le
statut de territoire français d'outre-mer et fut dotée d'une assemblée
provinciale élue, aux pouvoirs limités. En mars 1947, les nationalistes
organisèrent un soulèvement armé dans la région orientale. La rébellion
ne fut réduite qu'au mois d'août, dans le sang. Le gouvernement colonial
multiplia dès lors les efforts pour améliorer l'économie, développant
le réseau routier et exploitant plus méthodiquement les gisements de
charbon. Toutes les tentatives de réformes politiques se brisèrent en
revanche sur les intérêts coloniaux.
Durant les années 1950, l'autonomie de l'île
fut renforcée. En 1958, la Constitution de la Ve République
française fut approuvée par 78 p. 100
de l'électorat malgache et Madagascar devint une république
semi-autonome dans le cadre de la Communauté
française. Philibert
Tsiranana, chef du Parti social démocrate,
en devint le président. Le pays accéda à l'indépendance le 26 juin
1960 tout en conservant des relations privilégiées avec la France. En
septembre, il fut admis au sein de l'Organisation
des Nations unies. Il intégra ensuite
l'Organisation de
l'unité africaine.
Le gouvernement
militaire et la démocratisation
Après une décennie de stabilité
politique, l'île fut ébranlée par de graves troubles politiques et
sociaux, révélant l'usure du pouvoir. Tsiranana fut néanmoins réélu
pour la seconde fois en janvier 1972. Au printemps de la même année, une
grève estudiantine se transforma en grève générale. Le gouvernement
donna l'ordre de tirer sur les manifestants. Tsiranana fut contraint de
laisser le pouvoir au chef de l'état-major, le général Gabriel
Ramanantsoa. Celui-ci lança une révolution visant à la "!malgachisation!"
des moyens de production et de la société. En février 1975, le colonel
Ratsimandrava le remplaça!;
il fut assassiné six jours après avoir pris ses fonctions. En juin, un
Conseil suprême de la révolution (CSR), présidé par le capitaine de frégate
Didier Ratsiraka,
prit le pouvoir. Le 30 décembre,
le pays devint la République démocratique de Madagascar et le 4 juillet
1976, Ratsiraka accéda à la présidence pour sept ans. Le gouvernement révolutionnaire
engagea une politique d'étatisation de l'économie et se rapprocha du
bloc communiste, rompant avec la position modérée que le pays avait
toujours adoptée dans les instances internationales.
La fin de la décennie fut marquée par de
graves difficultés économiques qui relancèrent la contestation!;
le gouvernement réagit par des arrestations et décréta à plusieurs
reprises l'état d'urgence, prétextant des complots (1977, 1980, 1982). Réélu
sans opposition en novembre 1982 et en mars 1989, Ratsiraka prévint une
nouvelle tentative de coup d'État en mai 1990. L'année suivante, après
une série de grèves générales et de manifestations massives dans les
rues de la capitale violemment
réprimées par les forces de l'ordre, le président malgache amorça une
démocratisation du régime. La démocratisation demeura fragile, comme en
témoigna le retour à un régime présidentiel fort, entériné par un référendum
en septembre 1995. La tâche des nouvelles autorités civiles fut rendue
plus difficile par la situation économique, laquelle a nourri le conflit
entre le président Zafy, son Premier ministre et les institutions de
Bretton-Woods (Banque mondiale et Fonds monétaire international). La
popularité des dirigeants malgaches a été entamée par des affaires
financières, liées au "!financement
parallèle!"
de la dette. En 1996, la destruction, par un incendie, du palais de la
reine à Antananarivo — symbole
national —
a relancé l'agitation politique.
Mécontente de la réforme
constitutionnelle permettant au président, et non plus à l'Assemblée,
de nommer le Premier ministre, l'Assemblée destitua Zafi en 1996. L'élection
présidentielle de décembre 1996 vit l'affrontement des deux anciens présidents,
et Didier Ratsiraka l'emporta de justesse face à Albert Zafy.